Double projet, double vie
«Quand tu as commencé le rugby, quels étaient tes objectifs dans ce sport ?
Au début c’était un loisir. J’avais déjà une corpulence assez imposante (1m90 -90kgs) donc je me suis laissé tenter par cette pratique. De fil en aiguille, j’ai commencé à m’attacher à ce sport. Dès ma première année à Mandelieu, je visais le plus haut possible.
Pourquoi avoir commencé le rugby si tard (17 ans) ?
Mon aventure dans le football ne s’est pas très bien passée. Beaucoup de personnes se moquaient de mon physique imposant. Mentalement c’était difficile à vivre. J’ai décidé alors de changer totalement en allant vers le rugby grâce à des amis du lycée qui en faisaient. J’y suis allé une fois pour essayer, et depuis je n’ai plus jamais arrêté. Je n’aurais jamais pensé en faire quand j’étais plus jeune.
Comment le Provence Rugby t’a repéré ?
Je souhaitais viser plus haut dans cette discipline lors de ma deuxième année à Grasse. J’ai décidé de chercher sur Internet des tests organisés par les clubs de rugby en France. Aix en Provence m’a appelé quelques jours après (avril 2015). J’ai passé des tests concluants. Ils m’ont proposé un contrat d’un an pour la rentrée suivante (septembre 2015).
Ce choix t’a paru évident ?
J’ai mis du temps à prendre la décision car à cette époque-là j’avais que trois ans de rugby dans les jambes. J’ai demandé des conseils à mon entourage, à mes coéquipiers. Je savais que je pouvais échouer. Au fond, ma décision était prise dès le départ mais j’avais besoin d ‘être rassuré. Les études on peut toujours les reprendre alors que le sport de haut niveau c’est impossible. C’est une question d’opportunité.
Comment tes parents ont vécu cette situation ?
Ma mère ne voulait pas que j’arrête les études. Pour elle, c’était primordial d’avoir un niveau scolaire minimal. Mon père, rugbyman depuis toujours, m’a conseillé de suivre mon cœur. Par conséquent, J’ai décidé de suivre mon instinct.
"On sent que l’argent à une place importante dans cet univers"
Comment s’est passée ta première année ?
Je me suis débrouillé pour trouver un logement, j’ai fais des petits boulots d’intérim à droite et à gauche. C’était difficile mais je me suis accroché pour vivre mon rêve tout simplement.
Est-ce que le monde du rugby est aussi impitoyable que les autres ?
Après trois années, sur 100 joueurs au centre de formation, seulement trois ont signés professionnel. Ça reste un monde à part. C’est du business. Dans le discours on te met une pression quotidienne. Tu vois des joueurs passés devant toi parce qu’ils touchent plus d’argent. Des joueurs sont recrutés à longueur de journée alors qu’ils ne sont pas forcement utiles mais au moins ils ne coûtent pas cher au club. On sent que l’argent à une place importante dans cet univers.
As-tu peur d’échouer ?
Dans le sport de haut niveau, c’est une remise en question permanente. Il faut être à 100% tous les jours. Il faut se dépasser tout le temps, se battre pour avoir sa place.
Comptes-tu reprendre tes études si tu échoues ?
Je ne peux pas me permettre de rester sur une licence non validée. Donc même si c’est difficile de reprendre les études après ce genre d’expérience. Je dois toujours penser à mon après-rugby.
Comment gères-tu cette pression ?
Être toujours sous pression me sert à avancer vers mon objectif professionnel. On a toujours envie de se dépasser, d’être plus fort que ses coéquipiers.
Est-ce que tu regrettes ton choix ?
Ça m’arrive d’avoir des coups de blues. Tu as une pression plus forte selon les jours. Si je perd un match, ça peut m’arriver de ne pas avoir le moral. Le fait de pas s’entraîner avec les professionnels, par moment, j’ai l’impression de stagner. Mais tant que je serai en contrat avec le Provence Rugby je ne renoncerai jamais à mon objectif ».
Valentin Rodriguez
« J’ai décidé de suivre mon instinct »
Lucas Martinez, 23 ans, est au centre de formation du Provence Rugby à Aix-en-Provence depuis trois ans. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il explique sa décision d’avoir quitté les études pour se consacrer pleinement au rugby.
Lucas Martinez a abandonné ses études lors de sa deuxième année de licence à la faculté des Sciences du sport à Nice. (Crédit photo Facebook)